J'ai descendu les escaliers en essayant de me convaincre qu'il n'y avait pas de raison pour accueillir ce nœud dans mon ventre. À chaque marche je répétais dans ma tête "je suis une femme puissante, je suis une femme puissante, je suis une femme puissante...".
Une fois en bas, j'ai essayé d'être le plus naturelle possible : je souriais, je participais à la conversation... j'étais calme. Il n'y avait rien d'artificiel. Et pourtant... à un moment très imprécis, j'ai réprimé un mot, et deux, et trois, et sans faire attention, j'ai commencé à me noyer dans un vide troublant. J'essayais de sortir des lapins de mon grand chapeau, sans succès. Tout ce qui sortait de là, n'était que des sujets sans intérêt. Ce vide m'avalait petit à petit et se transformait en ma personne. Et moi, qui ne souhaitais que devenir un bijou unique, un oiseau rare.
Je crois que cette galère était invisible aux yeux devant moi, et je l'espère d'ailleurs. Mais ces yeux me regardaient tout de même, pour la première fois, d'un air distant. Alors, je continuais à réprimer des mots, un après l'autre, et ainsi le vide me dévorait plus férocement. J'ai voulu donc tenter une dernière manœuvre pour me préserver de la noyade définitive : j'ai essayé, avec la douceur d'une plume d'oiseau en danger, de poser un pont entre mes yeux et ceux qui me regardaient. Je croyais avoir réussi quand j'ai remarqué que devant ces yeux il y avait un mur invisible. Un mur tendre, certes, mais un mur.
Il ne me restait alors que fermer les yeux, retenir la respiration, et me laisser emporter par le courant du néant...
Quelques heures plus tard, j'ai remonté les escaliers hypnotisée par la lumière inhabituelle qu'y se posait. À chaque marche, j'embrassais le vide. En arrivant en haut, je me suis assise par terre, sur le silence ; j'ai compté combien de vies il me restaient, et j'ai claqué ensuite trois fois des talons en souhaitant très fort devenir un personnage de bande dessinée.
Texte: M.A.